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Le 29 Septembre 2020, j’ai eu la chance de pouvoir visiter la zone d’exclusion de Tchernobyl et la ville abandonnée de Pripyat avec ma compagne, Sabrina, et notre guide, Constantine. Ce jour-là, nous étions les deux seuls civils autorisés à accéder à la zone d’exclusion.

À l’occasion des 35 ans de la catastrophe de Tchernobyl, je vous invite à me suivre pour découvrir ce lieu tristement historique. 

I – Tchernobyl : rappel historique

Le 26 Avril 1986 à 1h23 du matin à lieu la pire catastrophe nucléaire du XXème siècle : le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explose accidentellement lors de la réalisation d’un essai technique.

En effet, les autorités de la centrale souhaitaient tester l’alimentation électrique de secours du réacteur numéro 4 afin de vérifier le bon fonctionnement des systèmes de sécurité du réacteur en cas de panne de courant. Suite à une succession d’erreurs humaine, le réacteur numéro 4 explose et un incendie se déclare.

La centrale nucléaire de Tchernobyl après l’explosion

Les employés de la centrale nucléaire appellent immédiatement les pompiers pour faire face à l’incendie : ceux-ci arrivent sur les lieux sans équipement particuliers. Les pompiers, gravement irradiés, sont par la suite évacués et mourront pour la plupart.

Au lendemain de la catastrophe, la population n’est pas prévenue de l’accident et poursuit ses activités habituelles sans prendre de précautions particulières : les enfants vont à l’école et les adultes au travail. 900 élèves, âgés de 10 à 17 ans, participent même à un « marathon de la paix » qui fait le tour de la centrale nucléaire.

Évacuation de Pripyat le 27 Avril à 14h

L’évacuation débute le 27 avril à 14 h et les 49 360 habitants de Prypiat sont les premiers concernés. Ils n’ont été informés que quelques heures auparavant par la radio locale, qui leur demandait de n’emporter que le strict minimum et leur promettait qu’ils seraient de retour sous 2 ou 3 jours : ils ne reviendront jamais.

Dans les mois qui suivent la catastrophe, environ 600 000 ouvriers (que l’on appellera les « liquidateurs ») venus d’Ukraine, de Biélorussie, de Lettonie, de Lituanie et de Russie viennent dans la zone pour procéder à des nettoyages, des décontaminations et à la construction du premier sarcophage.

Ceux qui ont sauvé le monde : les liquidateurs.

Suite à cette catastrophe, entre 60 et 4 000 personnes sont décédées et plus de 200 000 personnes ont été définitivement évacuées.

Personnellement, je ne considère pas la zone d’exclusion de Tchernobyl comme étant des lieux de tourisme noir (ou dark tourism en anglais) : en effet, je ne m’y rends pas pour satisfaire une quelconque fascination autour de la mort, mais parce que c’est un lieu de Mémoire et d’Histoire.

Je considère que les personnes qui se sont sacrifiées pour essayer de minimiser les conséquences de cette catastrophe méritent que l’on s’intéresse à leur histoire.

II – En route pour la zone d’exclusion

Après plusieurs semaines à Lviv, nous avons rendu visite à un ami de ma compagne, Artem, qui réside à Kharkiv à l’est de l’Ukraine. C’est sur le chemin du retour que nous avons fait escale à Kiev pour 3 jours afin de pouvoir nous rendre dans la zone d’exclusion de Tchernobyl.

Nous avons donc pris un train de nuit pour nous rendre à Kiev.

Notre cabine dans le train de nuit Ukrainien

Nous avons longtemps hésité avant de nous décider à nous rendre à Tchernobyl pour plusieurs raisons : la première, c’est qu’en Juin 2020 un incendie a ravagé un quart de la zone de forêt entourant l’ancienne centrale nucléaire. La seconde, c’est qu’en raison de la situation sanitaire, nous ne souhaitions pas participer à une visite guidée avec des dizaines de personnes.

Finalement, après quelques recherches sur Internet, nous avons vu que la zone d’exclusion était de nouveau ouverte aux visites et nous avons trouvé un guide privé, Constantine, pour nous accompagner.

La route qui mène à Tchernobyl

Il faut savoir que vous ne pouvez pas vous rendre au sein de la zone d’exclusion de Tchernobyl par vous même : vous devez obligatoirement être accompagné d’un guide local qui s’occupera de demander toutes les autorisations nécessaires auprès des autorités.

Ce matin-là, notre guide Constantine est venu nous chercher avec sa voiture à Kiev. Le trajet pour se rendre dans la zone d’exclusion dure 2h30 (avec une pause café et toilettes sur la route).

Ce jour-là, nous étions les deux seuls civils autorisés à accéder à la zone d’exclusion de Tchernobyl : il y avait donc absolument personne et l’atmosphère du lieu était vraiment particulière.

Avant d’arriver dans la zone, Constantine nous a remis un compteur Geiger qui permet de mesure la radioactivité autour de soi.

La forêt rouge

Pour nous rendre dans la ville de Tchernobyl qui se trouve dans la zone d’exclusion, nous avons dû traverser en voiture la Forêt Rouge.

Cette forêt se trouve à proximité immédiate de Tchernobyl et à reçu de haute dose de radiation lors de la catastrophe. Afin d’éviter qu’un incendie se déclenche dans cette forêt et n’aggrave la situation, il fut décidé à l’époque de raser la forêt et d’enterrer sur place les arbres radioactifs.

Cependant, certains arbres ont repoussé depuis et c’est cette forêt qui a en partie brûlé en Juin 2020.

Il s’agit encore aujourd’hui d’un des endroits les plus contaminés du monde.

III – La ville de Tchernobyl en 2020

Notre visite commence tout d’abord par la ville de Tchernobyl qui se trouve dans la zone d’exclusion des 30 kms.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la ville de Tchernobyl n’est pas à l’abandon : elle est habitée par les personnes qui travaillent dans la zone d’exclusion et sur le site de l’ancienne centrale nucléaire. Officiellement de nos jours, environ mille personnes habitent à Tchernobyl : officieusement, ils seraient 3 à 4 fois plus.

Avant la catastrophe, la ville comptait 10 700 habitants.

Le panneau d’entrée de la ville de Tchernobyl

Depuis la catastrophe, Tchernobyl a la particularité d’être une ville interdite aux enfants et aux femmes enceintes. De plus, un couvre-feu permanent est en place dans la zone d’exclusion : pourtant, les habitants de cette ville si particulière bénéficient d’un bar et d’un magasin dans lequel nous avons pu faire des achats.

Le magasin de Tchernobyl

Nous nous sommes ensuite dirigés vers le réacteur numéro 4 de l’ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl qui se trouve à l’épicentre de la zone d’exclusion des 10 kms.

Paradoxalement, c’est l’un des endroits les moins radioactifs de la zone, car il a été décontaminé et nettoyé à plusieurs reprises pour que les employés puissent travailler en sécurité.

Le sarcophage de la centrale de Tchernobyl

En Septembre 2010, deux entreprises Françaises Vinci Construction Grands Projets et Bouygues Travaux Publics, ont été sélectionné pour construire un nouveau sarcophage de protection au-dessus du réacteur numéro 4.

Ce nouveau sarcophage a trois objectifs :

  • le confinement des matières radioactives.
  • la protection du premier sarcophage dégradé, contre les agressions climatiques.
  • la protection des travailleurs sur site : ce second sarcophage abrite des ateliers destinés à décontaminer, démanteler et conditionner les matériaux radioactifs en vue d’un futur stockage, plus sûr.

Construit pour durer 100 ans, il est pleinement fonctionnel depuis 2019.

Lorsque nous sommes arrivés à proximité de la zone d’exclusion des 10 kms, nous nous sommes arrêtés et j’ai pris cette photo :

Un paysage industriel calme.

Je trouve que cette photo incroyable : un paysage industriel calme, presque reposant. Si je ne connaissais pas l’Histoire tragique de ce lieu, je ne pourrais pas la deviner.

Plus de 30 ans après la catastrophe, rien sur cette photo ne laisse penser qu’une catastrophe nucléaire à eu lieu ici. C’est d’ailleurs aussi ce qui m’a le plus choqué lors de cette visite : dans mon esprit, je pensais qu’une zone radioactive était un lieu où rien ne poussait et où la vie n’était pas possible.

Au contraire, Tchernobyl m’a montré que radioactivité ou pas, la nature et les animaux reprennent possession de ces lieux abandonnés par l’Homme.

IV – La ville abandonnée de Pripyat en 2020

Nous avons ensuite repris la voiture pour nous rendre dans la ville abandonnée de Pripyat. Pendant le trajet, notre guide nous a indiqué que la centrale nucléaire se trouvait sur le territoire de la ville Pripyat, à environ 15 kms de la ville de Tchernobyl : il nous a alors demandé s’ils ont savait pourquoi dans l’esprit collectif on appelle cela « La catastrophe de Tchernobyl » alors que cela s’est déroulé à Pripyat.

Instinctivement, j’ai d’abord pensé que la ville de Pripyat était plus petite en nombre d’habitants que celle de Tchernobyl. Ce n’est pas le cas : à la veille de la catastrophe, Pripyat comptait 49 360 habitants, soit quasiment 5 fois plus que Tchernobyl.

Constantine nous a expliqué que c’est parce que la ville de Pripyat n’a vu le jour qu’en 1970 avec la création de la centrale nucléaire afin de pouvoir héberger les employés de celle-ci. La ville de Tchernobyl est beaucoup plus ancienne, car elle a été fondée en 1193.

Nous nous sommes ensuite arrêtés près du panneau qui symbolise l’entrée de la ville.

Le panneau d’entrée de la ville de Pripyat

Un peu plus loin, nous avons dû franchir le dernier barrage de sécurité avant de pouvoir entrer dans la ville de Pripyat.

L’entrée de la ville de Pripyat

Nous avons ensuite abandonné la voiture pour nous promener à pied dans cette ville abandonnée. Nous nous sommes garé sur ce qui était à l’époque l’un des plus gros boulevards de la ville.

Sur notre droite, nous avons découvert les ruines du magasin d’ameublement Raduga :

Le magasin d’ameublement Raduga
À droite : GUILLAUME TEILLET, à gauche: SERGEY YAKUNIN/PRIPYAT-CITY.RU

Sur la photo qui date d’avant la catastrophe, on peut distinguer le magasin sur la gauche. Nous avons pu faire quelques pas à l’intérieur pour découvrir ce qui a été abandonné sur place :

L’intérieur du magasin Raduga

Constantine nous a expliqué que Pripyat était considéré comme une « ville modèle » à l’époque de l’URSS. En effet, les employés des centrales nucléaires étaient considérés comme faisant partie de l’élite de la nation et à ce titre, ils vivaient dans des villes possédant des logements de bonne qualité, une voirie dans un état correct, ainsi que des équipements culturels : jardins publics, installations sportives, cinémas, théâtres…

Il nous a également expliqué que la ville avait un double visage, notamment dans les magasins : en journée, les produits étaient les mêmes que partout ailleurs en URSS, mais en soirée, il était possible d’acheter des produits de luxe introuvables ailleurs. Ainsi, si une personne était de passage dans la ville pour la journée, elle ne pouvait pas se douter que la ville était favorisée par les Soviétiques.

Quelques photos du centre de Pripyat

Nous avons ensuite eu la chance de visiter un appartement ainsi que le bureau de poste. Je n’ai pas beaucoup de photos de ces lieux, car je les ai principalement filmés :

Notre visite de Tchernobyl et Pripyat en vidéo.

Nous nous sommes ensuite dirigé vers la piscine Azure : sur le trajet, nous sommes passés devant le Palais de la Culture Energetik.

À l’époque de l’URSS, les palais de la Culture étaient de grands centres communautaires conçus comme un point central pour que les gens puissent profiter d’une gamme d’activités récréatives et artistiques. Le palais de la Culture de Pripyat comprenait un cinéma, un théâtre, une bibliothèque, un gymnase, une piscine, un ring de boxe / lutte, des salles de danse et de réunion et même un champ de tir au sous-sol.

Le Palais de la Culture Energetik

Nous avons ensuite pu visiter les ruines de la piscine municipale de Pripyat : il faut savoir que la piscine est restée en service pour les liquidateurs jusqu’en 1998, soit plus de 12 ans après la catastrophe.

La piscine abandonnée de la ville de Pripyat

À proximité de la piscine, nous avons visité l’une des écoles primaires de la ville : les jouets et les poupées des enfants rendent l’ambiance dans ce bâtiment vraiment très particulière.

L’école de Pripyat

À l’intérieur de l’école, nous avons vu des affiches de prévention de l’époque : chaque élève avait un masque à gaz personnel. Constantine nous a expliqué que ce n’était pas à cause de la présence de la centrale nucléaire, mais à cause du contexte géopolitique de l’époque : la guerre froide avec les États-Unis.

L’école de Pripyat

Après la visite de l’école, nous nous sommes rendus sur le mythique parc d’attractions de Pripyat. Vous avez sans doute déjà vu cette grande roue :

La grande roue du parc d’attractions de Pripyat

Il faut savoir que personne n’a jamais pu profiter de ce parc d’attractions : l’inauguration était prévue pour le 1er Mai 1986, soit 5 jours après la catastrophe.

Les autotamponneuses du parc d’attractions de Pripyat

Pour terminer la visite, nous nous sommes rendus dans l’hôpital de Pripyat : il s’agit de l’un des endroits le plus radioactifs de la ville.

L’hôpital de Pripyat

C’est ici que les premiers pompiers qui sont intervenus sur ce qui n’était qu’alors un « incendie de la centrale » ont reçu les premiers soins. Plus tard, les autorités ont décidé d’abandonner les uniformes de ces pompiers dans les sous-sols de l’hôpital.

L’hôpital de Pripyat

V- Conclusion

Vers 16h, nous avons pris le chemin du retour vers Kiev. Sur le trajet, nous nous sommes arrêtés dans un restaurant pour déjeuner avec Constantine. Nous avons pu déguster un plat Ukrainien typique, le Bortsch : il s’agit d’une soupe de betteraves.

Un bol de Bortsch ukrainien

Nous avons vraiment apprécié cette visite de la zone d’exclusion de Tchernobyl : ce lieu est chargé d’Histoire et il invite forcément à une réflexion sur le nucléaire et ses dangers.

Si vous souhaitez vous rendre dans la zone d’exclusion de Tchernobyl et que vous souhaitez obtenir les coordonnées de Constantine, n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à me contacter par email.

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